Avec un groupe de collègues nous sommes arrivés dans la petite ville sympathique d'Alcover pour rencontrer Joan Molne Llorrens, un jeune apiculteur qui s'était proposé comme guide afin de nous faire visiter les ruchers fermés qui se trouvent dans ce joli secteur de la Catalogne.
L'ami Joan Llorens nous a guidé vers un village qui porte le nom de Joncosa de Montemiel, un toponyme qui peut être mis en relation avec la grande quantité de bruyère qui se trouve dans les alentours et qui donnait certainement un mont de miel.
Joan nous a fait visiter un enclos de forme plus ou moins carrée qui protégeait des ruches dont neuf étaient rangées verticalement dans des niches se trouvant dans la façade intérieure du mur exposé au sud.
Nous fûmes vraiment étonnés car au cours de nos recherches nous n'avions jamais vu de niches bâties à l'intérieur des murs sauf dans un ou deux cas que nous verrons quand nous arriverons en France.

L'enclos carré du Mas Piol.

Un peu plus loin, dans la localité Piana Juana, Joan nous a montré un deuxième enclos sur le flanc d'une colline dans lequel on pouvait remarquer, sur la façade intérieure du mur, également neuf niches dans lesquelles étaient logées directement autant de colonies d'abeilles.
Directement ? Des chambranles en bois encore fixés sur les bords des niches indiquent que ces compartiments étaient fermés par une porte aujourd'hui disparue du fait des intempéries.

L'enclos de Piana Juana.


Une confirmation ? Le chambranle, dans sa partie inférieure, porte une fente pour laisser entrer et sortir les abeilles.
Ainsi on utilisait les niches comme ruches sans y mettre dedans une ruche amovible comme nous en avons déjà vu dans d'autres endroits en France.
Nous étions donc en présence d'aménagements particuliers et rares que nous avions déjà définis, dans d'autres circonstances, comme ruches murales.
Mais d'autres surprises devaient nous attendre avant de terminer l'observation de cet enclos.
Dans l'angle droit, on remarque la présence d'une petite cabane en dur, destinée à abriter des ruches et autre matériel de réserve.
Un tel arrangement est relativement rare dans les enclos à abeilles en Espagne.
Dans la partie intérieure du mur qui renfermait la cabane, on a remarqué deux niches avec des trous ouverts vers l'extérieur et une petite porte en bois pour les isoler de l'intérieur. De cette façon on avait obtenu ce qui en France est connu en tant que ruches-placards.
Ainsi dans cet enclos nous avons remarqué trois systèmes différents  d'élevage des abeilles : les ruches murales, les ruches-placards et des ruches traditionnelles en osier ou en cannes tressées, un triple aménagement très rare et peut-être unique dans un même rucher !

Quelques types de ruches de Catalogne (selon Joan Llorens Molne)

La Catalogne possède aussi quelques murs-à-abeilles dont la typologie est très vaste mais qui se révèle ici, au moins dans le cas que nous avons vu, dans la forme classique, c'est-à-dire avec un certain nombre de niches dans des murs de séparation de propriétés destinées à accueillir des ruches-troncs ou des ruches en osier tressé.

Le mur des abeilles du Mas de la Fam.

 

Un mur-à-abeilles avec six niches.

En ce qui concerne la symbolique de l'abeille, nous avons vu dans les montagnes de Prades une église  dédiée à la Vierge de l'Abellera.
Le dimanche de Pâques, les apiculteurs et tous les croyants de la région se réunissent pour accompagner en procession la statue de la Vierge ornée d'une couronne sur laquelle se trouvent cinquante abeilles d'or.
Cette tradition rappelle, d'une certaine manière, celle de Nuestra Señora de Valvanera, protectrice des apiculteurs de la Rioja dont la statue, selon la légende, fut retrouvée, recouverte d'abeilles, dans le tronc creux d'un arbre. Elle est solennellement fêtée le premier dimanche de septembre.

La Vierge Abellera de Prades

Détails des abeilles de la couronne

En poursuivant la visite d'un patrimoine particulièrement prestigieux et spectaculaire, nous laissons la Péninsule Ibérique pour continuer notre chemin vers la France.