Nous avons eu récemment la chance de trouver, ŕ l'Université de Stuttgart, en Allemagne, une publication intitulée "L'apiculture ancienne en Italie" par le Prof. Ludwig Armbruster, ethnologue et entomologiste allemand qui visita ce pays pour étudier les types de ruches utilisées dans les différentes régions de la péninsule en 1926 et 1929.
Nous citons quelques passages du compte rendu envoyés au Ministère de l'agriculture en Allemagne par le Prof. Armbruster dans lequel sont décrites des ruches vues par lui dans la péninsule de Sorrento:

"Déjà en 1926 j'avais remarqué, dans les alentours de Salerne, des ruches-tunnels. Ces ruches, typiques de la Campanie, sont formées de quatre planches assez épaisses et clouées pour obtenir des caisses longues d'environ 110 cm  placées horizontalement sur deux ou trois files superposées sous des auvents ou, plus rarement, dans des constructions en dur appelées maisons des abeilles".

Ces ruches-tunnels qui. dans le langage populaire étaient appelées "cupi", étaient de section carrée et contrairement à tout ce qui se faisait dans d'autres régions que j'ai visitées, la porte antérieure de la ruche n'était pas fermée.
Une petite fenêtre appliquée sur la porte postérieure permettait d'observer le développement de la colonie.
Le rucher avec les "cupi" les plus caractéristiques était celui du père Eusebio Granata situé aux alentours de San Antonio Abbate.
Environ 20 cupi, assez grands, étaient posés l'un sur l'autre sur trois rangées.

S. Antonio Abbate : Les ruches-tunnels de père Eusebio Granata
(photo L. Armbruster, 1929).

À Piano di Sorrento, au lieu-dit Vico S. Giovanni, nous avons vu un rucher logé dans une construction exposée au sud.
Le propriétaire, M. Michele Iaccarino, s'est trouvé, comme de nombreux apiculteurs de cette région, dans l'obligation de repousser l'invasion d'une petite fourmi, (iridomyrmex sp.) importée d'Argentine et qui, en proliférant rapidement, menaçait les ruches.
Ce hyménoptère, petit mais gourmand, a influencé les méthodes traditionnelles de l'apiculture locale parce que, même si on ne modifia pas les cupi, il fut nécessaire de les ranger de manière différente pour les isoler des fourmis.
Ils furent donc posés sur des petites poutres de bois et tenus suspendus par des câbles, en empêchant ainsi l'assaut des fourmis du bas.
Pour empêcher leur descente, on appliqua sur les câbles des pelotes de laine imbibés d'huile.
Une installation de ce genre fut photographiée par le Prof. Armbruster à Meta di Sorrento dans le jardin de "Villa Dresda" appartenant à M. Antonio Mastellone.

Meta di Sorrento : le rucher de Antonio
Mastellone en 1929 (photo Armbruster).

Récemment nous avons fait une petite enquête pour voir si les ruches citées par le Prof. Armbruster existaient encore et M. Ferdinando Mastellone, petit-fils d'Antonio, nous a envoyé une photo qui nous montre un des cupi de son grand-père, vraie relique du passé, qui languit, solitaire, sur les poutres de suspension des ruches dans le jardin de sa résidence.

Ce qui reste aujourd'hui du rucher de Villa Dresda
(Photo Ferdinando Mastellone).

Le chercheur allemand concluait ainsi son rapport de visite dans la région:

"... M. Plinio Giordano de Sant'Antonio Abbate et M. Michele Ciampa de Piano de Sorrento m'ont servi de guides et j'ai ainsi eu la possibilité de voir beaucoup de ruchers situés dans le sud de la Campanie.
J'ai constaté que la zone de grande diffusion des cupi se trouvait entre le golfe de Salerno et celui de Policastro.
J'ai par exemple appris qu'un apiculteur de Terradura possédait environ 300 de ces ruches singulières.
De ceci j'ai déduit qu'il s'agissait d'une apiculture basée sur l'essaimage et sur une récolte tardive effectuée à la fin de la floraison de la bruyère...
"