Nous sommes très reconnaissants à nos collègues Thanassis Bikos et Ekaterini Rammou de nous avoir permis de refaire le chemin qui les a amenés pendant des années dans les îles grecques de l'Égée où ils ont étudié une quantité et une variété incroyable de ruches et d'anciens ruchers.

Quelques îles de la Mer Egée

1 - Syros
2 - Folegandros
3 - Sifnos
4 - Tinos
5 - Andros
6 - Ios

7 - Paros-Antiparos

8 - Kea
6 - Limnos
10 - Creta
11 - Lesvos
12 - Kythnos
 

Nous laissons la présentation de ce grand chapitre de l'histoire de l'apiculture traditionnelle grecque à nos collègues:

"La forme et le type des ruches traditionnelles de chaque région reflètent les matériaux disponibles localement. Dans les îles de l'Égée ces matériaux sont : troncs d'arbre, planches de bois, plaque de schiste, blocs de pierre poreuse, argile, cannes, osier, etc.
Dans chaque zone les ruches et les méthodes d'élevage des abeilles dépendent, au-delà des matériaux, des méthodes de construction, de la place disponible et aussi du climat local.
Dans les îles de l'Égée, les ruches devaient être installées sur des surfaces limitées et être protégées du vent et de la forte chaleur.
Nous pensons que la grande variété des techniques apicoles a aussi contribué à la survivance de l'apiculture et à son développement pendant une longue période d'isolement."

Île de Syros

Syros se trouve dans le centre des Cyclades.
Dans le passé, cette île a joué un rôle historique et a influencé l'évolution des autres îles.
Cependant les techniques apicoles pratiquées localement sont restées longtemps inchangées.
L'élément fondamental de l'apiculture locale est constitué par le ypseli (ypselia au pluriel), une ruche en terre cuite fabriquée au tour du potier.
Sa longueur était de 84 cm avec un diamètre antérieur de 37,5 cm et postérieur de 16 cm.
Elle était fermée par un disque de terre cuite ou de schiste et, en année de bonne récolte, on ajoutait une rallonge de 40 cm de longueur à l'arrière, dite paravgalma, faisant  fonction de chambre-à-miel.

Ypseli en terre-cuite avec sa chambre-à-miel.



Ypseli dans un mur de soutien de terrasses cultivées.


Ces ruches étaient installées dans des niches de pierre dans les murs servaient à soutenir des terrasses cultivables ou à indiquer les limites de séparation de propriété, c'étaient de véritables ruchers.
Ces ruchers étaient appelés melissokipi ou melissomandri et étaient exposés au sud ou au sud-ouest et offraient une bonne protection contre les aléas climatiques mais constituaient aussi une bonne épargne en terre cultivable.

Île de Folegandros

Dans cette île, comme dans celle de Syros, on utilisait des ruches de type ypseli qui s'appelant localement dypsely.
Les dypselia étaient installés dans des niches de pierre construites dans les murs de séparation de propriété ou de support de terrasses de culture.



Un "mur" à dypselia

Premier plan de niches avec des dypselia.

Île de Sifnos

La ruche locale, l'ypseli, est née de l'étroite relation qui lie, dans cette île, l'apiculture à la fabrication de céramiques, une ancienne tradition locale.
A la suite de cette relation l'île est connue comme maman des abeilles.

Quelques ypselia dans un mur-à-sec.

Détail du mur.

L'ypseli de Sifnos est long de 90 cm avec un diamètre antérieur de 38 cm et un diamètre postérieur de 20cm.

Île de Tinos

La ruche de Tinos est appelée m'seli (ypseli), mais il existait aussi une ruche en pierre, petrina ou melissothyrida, longue de 80 à 90 cm et d'une section frontale de 40 ou 50 cm.

M'sely.

Petrina.

Île de Andros

La typologie des ruches qui se trouvent dans cette île est très vaste.
La multiplicité et la diversité des ruches utilisées localement dépendaient de la position géographique mais toutes étaient rangées dans des niches individuelles nommées melissothyrida.
Citons quelques-unes des ruches typiques d'Andros :

  • Ypseli, avec une longueur de 82 cm, un diamètre antérieur de 37 cm et un diamètre postérieur de 20 cm.
    Il se trouvait dans la zone centrale et principalement près de Chora, Katakilo, Batsi, Paleopoli.
  • Kambana en terre cuite en forme de cloche, haute de 45 à 50 cm, elle n'était pas très utilisée.
    Elle était tenue dans une niche de forme triangulaire (thyride).




    Kambana: ruche en terre-cuite en formes de cloche.



  • Kambana fabriquée avec des planches, en forme de pyramide tronquée, d'une hauteur égale à celle de de la ruche en terre cuite.
    Typique de la région de Vourkoti.
  • Vergokofino (paniers tressés) appelés localement Melissokofino (paniers pour abeilles).
    Elles se trouvent surtout dans le sud et dans le sud-ouest de l'île mélangées aux types de ruches mentionnées ci-dessus.
    Elles étaient fabriquées par tressage de cannes, d'osier ou de baguettes d'olivier sauvage.
    Une couche de bouse de vache en assurait l'imperméabilité.
    Hautes d'environ 50 cm, avec un diamètre à la base de 55-60 cm, elles étaient insérées dans des niches de protection et protégées sur le devant par une plaque de pierre.



    Melissokofino: recouvert de bouse de vache.



  • Ntoulapia: il s'agit d'une ruche-placards (melissospita) construite dans l'épaisseur des murs d'habitation ou des constructions rurales pour y loger les abeilles.
    Des petits trous ou des fentes horizontales permettaient l'entrée et la sortie des abeilles de la ruche-placard qui était fermée intérieurement par une porte de bois permettant la récolte des rayons une fois par an.



Melissospita avec deux rangées de ruches-placards.

Ruches-placards vues de l'intérieur.


Une grande variété de ces ruches était utilisée par le passé dans le nord de l'île mais aujourd'hui leur usage a été abandonné.

Île de Ios

Dans cette île, on a pratiqué la transhumance des abeilles  très longtemps.
Environ deux cinquièmes de sa surface étaient couverts de thym qui fleurissait abondamment au printemps tandis que les trois cinquièmes étaient recouverts de bruyère (calluna) qui fleurissait en automne.
Pour ces raisons les ruches en terre cuite, de type ypselia, furent modifiés avec insertion d'une poignée pour en faciliter le transport, qui était souvent effectué à l'épaule, de la zone du thym à celle de la calluna et vice versa.
Ces ruches avaient une longueur de 78-80 cm, avec un diamètre antérieur de 30 cm et un postérieur de 20 cm.
Le miel de thym était recueilli de la partie frontale de la ruche tandis que celui de calluna était récolté par la partie postérieure.



Ypselia avec extension.



Ypseli à l'épaule.

L'apiculteur transportait en général deux ruches, une à l'épaule et l'autre suspendue d'une main, marchant  toujours sur des sentiers difficiles durant environ quatre ou cinq heures.
Ces ruches modifiées n'étaient pas insérées dans des niches mais posées sur des files de plaques de schiste (petromata) sur des petits murs.
Pour cette raison on a forgé localement l'expression aller à petromata pour dire aller au rucher.

Île de Paros-Antiparos

L'ypseli était la ruche traditionnelle de Paros et était utilisée avec une extension (paravalgma) faisant fonction de chambre-à-miel.

Deux ypselia.

Île de Kea

Dans cette île deux éléments marquaient  l'apiculture locale :

  • les ypselia en terre cuite en forme de vase à fleurs utilisées verticalement.
  • l'usage de couvrir ces ruches avec de petites lattes de bois pour former une espèce de plafond, le plakidia.
    Ces bandes étaient mobiles et placées côte à côte pour obliger les abeilles à construire les rayons du haut vers le bas.
    Pour assurer un bon isolement on posait sur les bandes une couverture de rameaux de bruyère ou de thym, sur lesquelles on mettait une plaque de pierre.

Ypseli: des petites lattes forment le plakidia.

Ypseli recouvert de branchage et de plaques de schiste.

Île de Crête

Cette grande île est considérée comme le berceau de l'apiculture traditionnelle de la mer Egée et nous y retrouvons une grande quantité de types de ruches.
Nous en citerons seulement quelques-unes :

  • solinas: une ruche en terre cuite de forme légèrement tronc-conique (dypseli) qui était très commune dans la partie orientale de l'île.
    Ces ruches étaient placées généralement sur une unique rangée sur des petits murs hauts de 50 à 70 cm.

    Solinas sur les flancs d'une montagne.

  • Vraski ou fraski: une ruche verticale en terre cuite de grande importance et valeur historique par l'emploi de barrettes mobiles qui permettaient d'extraire les rayons aisément.
    L'ensemble de ces barrettes, dix au total, forme une espèce de couvercle, quelque chose de semblable au couvre-cadres des ruches modernes.
    Pour mieux protéger les abeilles de la pluie, du froid et de la chaleur, sur ce couvercle on mettait souvent une couche de branches de 10 cm d'épaisseur et sur cette couche se posait, en position renversée, un bassin de terre cuite d'un poids de 4 ou 5 kg  appelée saliera.
    En été le bassin était retourné et devenait  alors un excellent abreuvoir .

    Des vrasky coiffés de la salière.

Île de Lesvos

Dans cette grande île située dans  nord-est de l'Égée nous retrouvons la grande tradition apicole et un grand nombre de ruches de type différent.
Cependant les ruches typiques de Lesvos étaient les kouvania dits aussi kvania.
Il s'agissait de ruche-troncs utilisées horizontalement et ouvertes aux deux extrémités.

Lesvos: une ruche-tronc.

Cependant étaient aussi utilisées des ruches de type kouvania fabriquées avec des planches de bois.

Piles de kouvania fabriquées avec des planches.

Île de Kythnos

Nous terminons notre résumé de l'exposé concernant l'apiculture traditionnelle des îles de l'Égée avec une vue partielle d' un rucher grandiose de cette île où étaient rangées environ trois cents ruches en terre cuite (ypselia).

Kytnos: vue partielle du grand rucher.