Depuis toujours la Vallée de la Roya a été une terre où le lait et le miel coulaient en abondance.

La Vallée de la Roya.

À partir du XVe siècle, à la suite d'améliorations et de nouvelles techniques introduites par les moines de la chartreuse voisine de Pesio dans la culture des abeilles et dans la pratique de l'élevage, on constata une amélioration graduelle de l'économie locale.

Ruches typiques de la Vallée Roya

Il s'agissait de deux types de ruches fabriquées en bois qui pratiquement ne coûtaient rien du fait de la grande abondance de la matière première : l'ancien brusc obtenu par un tronc d'arbre évidé, peut-être déjà en usage dans les anciennes tribus celtiques et son élaboration plus récente, c'est-à-dire la ruche quatre-planches qui permettait un usage plus rationnel du bois.
La ruche-tronc et la ruche quatre-planches étaient appelées localement brusc et étaient posées verticalement sur une grande pierre et couvertes d'une plaque d'ardoise dite "ciappa".
À environ deux tiers de leur hauteur, les bruscs étaient perforés pour introduire deux petits bâtons croisés qui avaient pour fonction de soutenir les rayons de cire.
Les dimensions de ces bruscs étaient très variables : une hauteur moyenne de 55/80 cm et un diamètre qui pouvait aller de 25 à 45 cm pour la ruche-tronc.

Ruche-tronc
(d'après un dessin de Toumanoff et Nanta, 1950).

Brusc sculpté par Augusto Achiardi,
apiculteur à St-Etienne-de-Tinée.

Les anciens ruchers en pierre de la Roya


À partir de 1500, ou peut-être avant, il y eu un accroissement considérable dans l'élevage des abeilles et on commença à installer des ruchers de plein champ en des endroits de plus en plus éloignés des villages en les exposant ainsi à divers dangers et, en particulier, aux attaques des ours.

Brusc de plein champ (Dessin de Libereso Guglielmi).

Mais on  apprit bien vite à défendre les abeilles en mettant les ruches en sécurité dans des enceintes spéciales entourées par des murs très hauts qui portaient sur leur sommet un large couronnement de ciappe d'ardoise comme nous avons déjà vu au Portugal, en Espagne et dans les Cévennes.

Rucher typique de la vallée de la Roya (en haut) et rucher de la Galice (en bas)
(dessins de Libereso Guglielmi).

Si en Val do Rao (Galice), nous avons vu 40 ruchers en pierre (cortiños) sur un parcours d'environ 15 km, dans la Vallée de la Roya, dans un cercle d'environ 12 km de rayon à partir du centre de La Brigue, nous en avons compté presque 100.
Ils sont distribués ainsi :

Localité
Nombre
Dénomination locale
La Brigue
52
Ca' d'arbinée, c'est-à-dire Maisons des abeilles
Tende
31
Naijou, singulier- Naiji ou Naisi (pl)
Realdo (Versant italien des A.-M.)
9
Chamera (endroit de rassemblement des essaims)
Saorge
3
Chamera
Breil
2
Chamera
Fontan
1
Chamera

Description des "maisons des abeilles"

La forme classique des maisons des abeilles, comme on appelle en général ces enceintes, est une construction massive en pierre en forme de fer à cheval même s'il en existe de forme rectangulaire ou, plus rarement, de forme carrée.
Ces enceintes sont exposées toujours vers le soleil levant ou vers le midi, à proximité d'un vallon et près d'un torrent ou d'une source d'eau.
Sur un côté de cette maison des abeilles se trouve une petite porte qui permet d'accéder à une place de nivelage appelée terrasse ou jardin dans laquelle on cultivait des fleurs.
Dans un coin de cette terrasse, on trouve parfois une petite construction adossée au mur principal, appelé "ciabot", qui servait de remise pour les outils nécessaires à la conduite du rucher.
À l'intérieur de l'enceinte, se trouve un nombre variable de banquettes transversales en pierre sur lesquelles se posaient les bruscs et qui pouvaient être atteints en montant une petite rampe latérale.

Rucher de la Vallée de la Roya (dessin de Libereso Guglielmi).

Quelques-unes de ces constructions se trouvent dans les environs immédiats des villages tandis que la plus grande partie est répandue en des endroits bien ensoleillés dans la partie basse de vallons situés entre 800 et 1100 mètres d'altitude.
En sortant de la petite ville de Tende et en continuant vers le nord sur la Route Nationale n° 204 sur environ 1 km, on peut voir sur la gauche, quartier Labera, quelques maisons des abeilles et dans l'une d'elles, propriétés de Mme Toesca, il y a quelques ruches modernes.
Il s'agit d'une belle construction, avec deux grands arcs d'allègement dans le mur postérieur et, chose plutôt rare, sa forme est reportée dans le plan du cadastre avec un croquis qui reproduit fidèlement son contour géométrique.

Tende : maison des abeilles de Mme Toesca.

Dans un manuscrit inédit de 1949, intitulé "L'apiculture dans les Alpes-Maritimes" d'Albert Bianco, nous avons trouvé une vieille photo d'une maison des abeilles qui se trouve dans le même quartier et cette photo, comparée à une photo prise récemment, nous montre le grand changement survenu dans la flore locale.

En continuant notre marche vers le nord, à la hauteur de la chapelle de Vievola, nous prenons une piste qui nous amène au lieu dit "Canaresse" aux environs duquel se trouvent les restes de trois maisons des abeilles enfoncées dans la végétation très épaisse.
En 1994, à l'occasion du premier colloque sur l'apiculture traditionnelle que nous avons organisé à Tende, M. Sassi, propriétaire d'une de ces constructions, prit la louable décision de remettre en état cette enceinte avec les résultats qu'on peut voir dans la photo ci-dessus.

Canaresse : le rucher de M. Sassi.

Maintenant nous nous déplaçons vers l'est pour examiner d'autres enclos situés sur la commune de Tende et qui méritent d'être mentionnés comme le complexe de Casteltournou qui comprend une grande bergerie, un four, un puits, un potager et une grande maison des abeilles construite contre un promontoire rocheux.

Tende : Maison des abeilles de Casteltournou.

Pas loin d'ici, dans un vallon latéral s'élève, sur une côte très raide dominant un torrent, la maison des abeilles de la famille Lanza.

Maison des abeilles de M. Lanza.

En descendant le long du "Rio Freddo" vers le lieu-dit de Ponte Rico, nous pouvons voir une petite maison des abeilles de forme carrée dans laquelle existent encore des bruscs et, un peu plus bas, une autre de ces constructions caractéristiques de la Vallée de la Roya.

Des vieux brusc à Ponte Rico.

Finalement nous prenons le vieux sentier qui nous méne au col de Boselia pour descendre sur le territoire de La Brigue où les maisons des abeilles sont très nombreuses.
Le sentier débouche sur le D-43 qui mène au Sanctuaire de Notre-Dame-des-Fontaines et le long duquel se trouvent différentes maisons des abeilles comme celle dite de Scaudapieui, construite avec des grandes pierres posées à sec.
Un autre de ces enclos, où sont installées des ruches modernes, se trouve un peu à l'écart du Sanctuaire au lieu-dit Nogaré.

La Brigue: rucher de Scaudapieui.

 

Maison des abeilles de Nogarè.

Pour voir les plus belles maisons des abeilles proches de la Brigue, il faut parcourir la route qui du village mène à Val del Pré et qui ensuite continue vers le Col de Sanson (sous le nom de Route de l'amitié) pour déboucher à Realdo, en Italie.

Val del Pré - Rucher Alberti.

 

Encore un rucher typique de la Roya.

Dès que nous nous trouvons près de l'Italie, nous passons l'ancienne ligne de frontière pour visiter les maisons des abeilles de Realdo, commune de Triora, que comme nous avons déjà mentionnées, sont appelées chiamere, c'est-à-dire endroits de rassemblement des essaims.

Borniga (Hameau de Realdo ) : une chiamera.

 

Une deuxième chiamera.