Notre recherche passionnante des anciens ruchers nous a entraînés
sur les deux versants des Alpes-Maritimes desquels, par beau temps
et bonne visibilité, on peut apercevoir la Corse, une île
où, depuis le temps des Romains, l'apiculture traditionnelle
est pratiquée d'une manière extensive.
Que reste-t-il de cette forme d'apiculture ? Il y quelque
temps, Madame Conrad, éminente spécialiste de la
botanique et du folklore local, a signalé au collègue
Robert Di Donnaco l'existence d'un rucher a Venàco, dans le centre
de l'île.
Nous n'avons pu résister à la tentation de demander
à Roberto de nous en faire une description dans l'attente
de le visiter personnellement.
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Nous suivons donc, pas à pas, son exposé :
"Le rucher, nommé en dialecte local arnadjiu, se trouve
au lieu-dit E Caselle, près de Venaco.
Il est constitué principalement d' un grand mur, long 15 m, bâti
à sec et aujourd'hui partiellement en ruine aux deux bouts.
Derrière ce mur d'environ 110 cm d'épaisseur, sur lequel
reposait un toit depuis longtemps écroulé, se trouve une
paroi rocheuse délimitant un couloir large de 110 à 130
cm et haut de 170 à 180 cm.
Un homme de corpulence moyenne pouvait y circuler aisément.
Sur le mur s'ouvraient deux portes d'entrée et quelques ouvertures
verticales en forme de meurtrières qui servaient à donner
un peu de lumière à l'apiculteur mais aussi comme sortie
d'urgence pour les abeilles au moment de la récolte des rayons
de miel.
Sur le mur il existait des logettes, avec les trous d'accès aux
ruches qui étaient protégées par une pierre plate
en forme de planche d'envol sur la partie inférieure et d'une autre
pierre plate servant d'auvent".

Porte d'entrée et logettes
avec trous d'envol
(photo Jacques Guglielmi).
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Il y avait environ 75 logettes et chacune correspondait au logement
d'une ruche en bois, de section rectangulaire, placée horizontalement
dans son alvéole.
Les logettes d'accès et les ruches correspondantes étaient
rangées en quinconce sur quatre rangées bien visibles
sur le mur.

L'arnadjiu : détail des
logettes
(photo Robert Di Donnaco).
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Les logements pour les ruches mesuraient 70 cm environ en profondeur,
de 35 à 40 cm en hauteur et de 40 à 60 cm en largeur et
ils pouvaient accueillir confortablement les ruches traditionnelles
longues de 1 mètre et larges de 30 à 40 cm qui débordaient
un peu dans le couloir.
A l'aide de ces éléments. nous pouvons faire une reconstitution
de l'arnadjiu.

Croquis
de l'arnadju selon Robert Di Donnaco

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La conduite du rucher était relativement simple et permettait
les opérations suivantes:
- extraire la ruche aisément pour la mettre à l'extérieur
en cas de nécessité, maladies, etc.
- enlever la porte postérieure de la ruche pour permettre
d'y secouer un essaim
- extraire une ruche vide pour la porter là où les
essaims aiment se poser et la rentrer pleine
- remplacer une ruche contenant une colonie faible avec une forte
- déplacer une ruche sujette au pillage ou pratiquant le pillage,
pour l'éloigner
- ne pas se préoccuper de la mise en place de la hausse car les abeilles
s'installent près des trous d'accès de la ruche et poursuivent
la construction des rayons graduellement vers l'intérieur.
La petite section des rayons oblige les
abeilles à en construire un grand nombre. Bien sûr, cette
pratique générait une production excessive de cire mais
à l'époque cette matière était très
recherchée soit pour l'éclairage des églises
soit pour d'autres usages domestiques.
L'arnadjiu est un vrai symbole de la Corse, de sa beauté sauvage
et parfumée.
Une terre dure et impitoyable parfois mais aussi gaie et généreuse
où coulent, comme dans la Terre Promise, le lait, mais aussi
le vin et le miel
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